Textes


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par Cyrille Brunet Jailly

1. 1. ZÜCKER-NIJINSKI est le faune de la peinture contemporaine. Il ne peint pas : il bondit. Il n’ a pas le temps de peindre le tableau qu’il peint car il est toujours déjà en train de peindre les suivants jusqu’au dernier.

1. 2. Lorsqu’il peint, ZÜCKER peint tous les tableaux du monde à la fois jusqu’au dernier. Tous ses tableaux sont le dernier, tous ses croquis sont l’ultime croquis.

1. 3. Lorsqu’il sera mort, on aura le temps de voir combien tout cela était réfléchi.

1. 4. ZÜCKER ne s’arrêtera jamais de peindre. Il peindra même après sa mort des œuvres invisibles à l’œil nu qui ressembleront comme des sœurs à celles que nous croyons voir.

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par Alain Epo

La réserve des formes

  Il n’y a pas d’extériorité de la ligne, son extase, son dehors, c’est l’espace du dedans. Elle sort en elle-même. Ce n’est pas une libération, c’est une émanation. A l’instar de Sade, Vous m’avez fait former des fantômes, dit-elle, qu’il faudra que je réalise. La ligne parfois se nudifie en laissant entrevoir, par quelques vapeurs de corps, des amoncellements de transparence, des monuments de mouvements. 
  La surface d’un visage n’est pas toujours une face. La face d’une figure n’est pas toujours un visage. Du plus loin que l’on se souvienne, c’est-à-dire un peu plus loin que nos souvenirs, quand les hommes et les animaux, l’écorce et le vent, l’herbe et l’eau, avaient la même peau, une même ligne les parcourait. Les formes, tel un moule, en gardent la mémoire. Qui se ressemble s’assemble, qui semble s’assembler se ressemble, qui s’assemble semble se ressembler. C’est la vie parallèle des formes illustres, et le principe des formes, c’est qu’elles soient allusives, d’où leur étrange nomadisme. Il consiste, en faisant que ce qui est devant devienne ce qui est derrière, que ce qui est en travail devienne ce qui est en repos, que ce qui est dans le champs devienne ce qui est hors champs, que ce qui serait le fond devienne la surface, que plus que mettre une chose à côté d’une autre, mettre une chose devant l’autre permette cette étrange itinérance qui consiste à mouvementer des immobilismes afin de donner à voir que l’autre côté est de tous les côtés. 
  De prison, Sade écrit à sa femme :  Voulez vous mon linge sale, mon vieux linge. Savez-vous que c’est d’une délicatesse achevée ? Vous voyez que je sens le prix des choses. Ecoutez, mon Ange, j’ai toute l’envie du monde de vous satisfaire sur cela, car vous savez que je respecte les goûts, les fantaisies, quelques baroques qu’elles soient, je les trouve toutes respectables, et parce que l’on n’en est pas le maître, et parce que la plus singulière et la plus bizarre de toutes, bien analysée remonte toujours à un principe de délicatesse » 
 Couleurs, toiles, linge, ligne, c’est toujours, bien analysé, le foisonnement d’une pudeur.